Pute noire
Sur le trottoir
Tous les soirs
Sans espoir
Augustine se rajusta et descendit de la voiture, les billets cachés dans son poing serré. Mamabé lui fit un sourire. La jeune fille alla la rejoindre sous l’abri bus, où Mambé attendait avec les autres mamas. Elle lui tendit les billets froissés. Mamabé les lissa du plat de la main avant de les mettre dans son cabat, entre un poulet frais et un coupon de tissu coloré.
- « Bonne petite », dit-elle avant de la congédier d’un geste.
Augustine reprit le trottoir. Sa jupe blanche la serrait de plus en plus. À chaque pas, elle sentait la ceinture lui rentrer dans le ventre. Sa cheville droite lui faisait mal depuis l’autre jour, quand elle se l’était tordue en courant. Elle leva les yeux un instant. Le ciel gris promettait l’installation de la pluie, encore une fois.
Une voiture ralentit, à quelques mètres d’elle. Dina fut plus rapide. Le client l’embarqua.
Augustine n’osa pas regarder en direction de Mamabé. Se faire griller par une fille de Mama Célia, la honte. Ces pétasses du Burkina ne savent même pas se laver ou parler correctement. Dans l’ensemble, Mamabé n’était pas trop dure comparé aux autres mamas, elle ne frappait que si elle était obligée de montrer son autorité auprès d’une nouvelle fille ou d’une récalcitrante. Sa nourriture était presque acceptable.
Affamée, Augustine marchait en rêvant de son pays. La terre rouge. Le ciel bleu. Les chèvres. Les galettes de millet et de maïs que préparaient ses mères. Les chants, du matin au soir. Ici, tout était gris. La pluie, le froid. Depuis qu’elle avait quitté son pays, elle n’avait pas l’impression d’avoir vu le soleil. Et rien n’était vrai : les lumières électriques clignotantes, les filles souriantes sur les panneaux publicitaires, les odeurs chimiques. Et puis ce gâchis, partout. huit mois de vie chez les occidentaux, elle n’arrivait pas à s’y faire.
Mais surtout, il y avait ces hommes blancs. Cette peau pâle, transparente. Qui sent bizarre. Peu attirée au départ, Augustine avait de plus en plus de mal à cacher son croissant dégoût. Tiens, rien que son dernier client. Il avait un sexe aussi frêle qu’une tige de riz. Même pas circoncit !
Elle avait envie de vomir, rien que d’y penser.
Une voiture ralentit, s’arrêta à sa hauteur. La vitre côté passager descendit. Augustine se pencha à la portière, esquissant un sourire au monsieur, sans même le regarder.
- « La pipe ou l’amour ? » demanda-t-elle.
Pour en savoir plus sur le sujet... le site de Amnesty International