« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect tout l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? »
Pierre Corneille, Le Cid Acte I scène 4
Il est seul. Au milieu de toutes ces personnes qui lui veulent du bien. Ses amis, parents, son chien. Comment pourraient-ils comprendre ? L’aider à se reprendre. Il est trahit. Elle est partie. Pourquoi, comment, cela n’importe pas.
Il est seul. Au milieu de leur appartement. Son parfum fleurit flotte encore dans l’air. Elle a oublié une brosse dans la chambre, laissé des yaourts allégés dans le réfrigérateur. Son empreinte est encore présente, écrasante preuve de leur défunte complicité.
Il est seul. Assis sur le bord du lit non défait, il refait le parcours qui l’a entraîné jusqu’ici. Leur rencontre, au cœur de Paris un soir d’été. Leur premier baiser, un soir d’automne. Après, ce fut simple et clair, une nuit sans sommeil à se nourrir l’un de l’autre, un matin où tout était beau et serein. Aucun frein. Ils ont emménagé, mélangeant leur vie et leurs objets. Noël en Picardie, l’été à la plage, ils écrivaient à deux leur avenir sur la même page.
Il est seul. Mais ce n’est pas nouveau, cela ressemble à tous ces soirs où elle rentrait tard du bureau. A toutes ces invitations qu’elle déclinait parce que ses amis n’étaient pas à la hauteur. A tout ces refus au lit et ailleurs.
Il est seul, ignore quand cela a basculé. Se demande quand le nous est partit, comment le deux est redevenu un et un. Il a loupé quelque chose, un grand portail rose ou noir, mais dont il n’ose entrevoir le détail, submergé par la taille de son manque de force face à l’adversité.
Il est seul. Est-ce qu’il se navre ?
Il est seul. Il y a bien plus grave