Souvenir Proustien cocasse, inattendu !
Baiser de l’enfance, oubli de mémoire,
Sous un linge masqué tout au fond de l’armoire,
Par son ton sur la langue est d’un coup revenu…
Marseille est beau sous son ciel bleu et son vent froid. Sur le flan gauche du vieux port, à mi pente, se trouve St Victor, église aux fondations anciennes et à l’orgue nouveau. La nuit s’approche quand elle sort de ce lieu magique. Son regard accroche la pancarte à l’angle de la rue Sainte : « four à Navettes ».
Navettes ?
Mot familier et intriguant de son enfance. Elle n’est pourtant pas marseillaise. Comment peut-elle connaître ?
Remontant la rue, elle s’approche de la boutique.
Jamais vu cette façade. Logique, elle n’est venue qu’une seule fois à Marseille dans sa vie. Il a plus de vingt-cinq ans. A l’Enterrement.
Elle était enfant.
La façade de bois peint la regarde, inconnue, étrangement familière, dans cette ville aussi originelle qu’exotique.
Cette odeur…
Elle pousse la porte.
… Fleurs d’oranger. A plein nez.
Sur un étal de la boutique, les navettes la regardent, forme connue de son enfance oubliée. Les tarifs peints, leur origine, quelque part du côté de la Chandler, les tomettes au sol : nous sommes au cœur de la cité Phocéenne.
Serviable, une vendeuse lui offre un bout de bois, l’autorisant à gouter cette spécialité.
Elle aime cette odeur... Enfourne le bout de pâtisserie... Doit se forcer pour ne pas recracher.
Ce goût la ramène loin, oh, loin… Dans un univers d’enfant obstiné et embarrassant. Un monde où l’on forçait à goûter les plats des grands parents. A sa plus grande horreur, malgré ses hauts de cœurs, elle devait enfourner les biscuits d’oranger, mâcher et avaler, à jamais dégoutée, ignobles navettes, vieille et terrible dette !