
Héros qui s'ignore
Il était dans le premier avion français vers Haïti, avec 119 collègues. Le séïsme, c’était il y a 36h. Les quatre jours qu’il a vécu depuis le changeront. Il le sait. On n’a plus le même regard lorsque l’on sort des cadavres par dizaines de ruines instables.
Avec Nico, ils ont suivit une femme jusqu’à sa maison. Son fils est coincé dans les décombres. Elle assure qu'il répondait à ses appels il y a moins d’une heure.
Ben se glisse entre les décombres du premier et la dalle du second étage du bâtiment. Ben crie, appelle « Sébastien ! ». Pas de réponse. La femme supplie en créole son fils de répondre au secours. Nico les regarde, résigné.
Ils redescendent un escalier étrangement intact et cherchent une autre voie vers l’appartement de la femme. Nico s’avance, rampe dans une fissure. Ben et la femme appelle encore l’enfant qui ne répond pas.
Quelques instants passent pendant lesquel Nico s'enfonce plus profondément dans les ruines. A son visage lorsqu'il ressort, Ben comprend. La femme aussi.
Sébastien est mort depuis plusieurs jours.
Sa mère n’a pas la force de le pleurer
Sur les bords de la route, les Haïtiens marchent lentement en file indienne. Ils suivent le rythme d'une chanson en dansant, tous emportés dans une même mélopée. Ces hommes et ses femmes remercient Dieu : ils sont en vie.
A l’arrière du pic up, Ben a la chair de poule : il ne lâchera rien.
Deux heures de sommeil, une ration de pattes et il ira rejoindre les autres à l’école de la trinité.