Sur le quai
Pas très gai
Par mégarde
Autour de toi, regarde.
Un matin froid et pluvieux dans ma banlieue. Mon costume s’assortit au macadam, à mes co-voyageurs et au mauvais temps. Nous sommes au moins cinquante hommes tristes au bord de la piste du train.
Mon baladeur vissé à mes oreilles, j’écoute une musique brutale et entraînante. Je baille. Ferme les yeux un court instant
Un bruit de pas me fait tourner la tête, change ma vie.
Elle est petite et fine, jeune, cheveux bouclés et robe marine. Un collier de perles autour du cou… Et des ballerines rouges aux pieds.
Elle avance vers moi, l’allure gracieuse, aussi légère qu’une danseuse. Ses chaussures rouge tranchent net mon ennui.
Elle me dépasse, sans me remarquer, costume gris au milieu des âmes grises. Elle va jusqu’au bout du quai. Le train arrive. Je me précipite pour monter dans la même voiture qu’elle. Effectue tout le trajet les yeux rivés sur ses chaussons rouges, cherchant désespérément un prétexte pour l’aborder, lui parler.
Je suis lâche. Me maudis toute la journée.
Ma Dorothée n’est pas réapparue les semaines qui suivirent. Le printemps revînt, des fleurs naquirent. Et puis l’été arriva de bon matin fin juin.
Debout sur le quai, tous les matins je l’attendais.
Et celui-là, enfin, elle vînt. Ses chaussures coquelicots rougissaient le bitume. Dorothée s’arrêta à deux mètres de moi, hésitante.
Rassemblant toutes mes forces, je fis un pas vers elle.
Dorothée sourit… Au costume gris derrière moi.